Un rendez-vous manqué
- Isabelle Pitre Coaching Inc.
- 21 avr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 avr.

En tant qu’être humain, le jugement, les remarques et les critiques sont partout à la télé, la
radio, sur le net... du jugement gratuit aux remarques parfois pertinentes et bien souvent
blessantes. Bref, nous sommes entourés de jugements mais qu’en est-il lorsque ces
jugements entrent dans le processus de la mort ? Quand ces paroles sortent de la
chambre du mourant et se baladent dans les corridors par le personnel soignant ? Quels sont les impacts sur les soins prodigués avec en arrière pensé des jugements ?
Voici une histoire vécue, lorsque j’étais infirmière auxiliaire, et qui encore aujourd’hui malgré les années passées m’atteint dans mes valeurs, mes croyances ancrées et qui me sert de leçon dans le jugement envers les autres. L’histoire d’une dame mourante réclamant son fils, un rendez-vous manqué.
Cette dame, résidait sur le département depuis quelques années déjà, toujours de bonne
humeur malgré ses pertes physique et son handicap visuel. Une dame qui, même avec ses
limitations physiques, offrait son aide sur l’unité de vie, une image de grand-maman parfaite.
Son état, s’étant détérioré de façon rapide, les soins de conforts furent mis en place pour
l’accompagner et la soulager. Sa famille fut très présente auprès d’elle, ses enfants, ses
gendres et ses belles-filles mais il manquait un fils. C’est drôle comment à certain moment de la vie nous pouvons être entouré de nombreuses personnes mais c’est la personne
manquante qui à nos yeux est la plus importante à cet instant.
Dès le début des soins palliatif, toujours alerte, la dame a réclamé son fils manquant en
demandant à ses autres enfants de réussir à le faire déplacer à son chevet. Vous
comprendrez qu’à partir de ce moment on se disait tous que l’absence de son fils n’avait pas
de bon sens et le refus de celui-ci a venir voir sa mère était pour nous tous incompréhensible.
Le jugement, les remarques s’installent alors envers son fils en dégagent une ombre négative dans la chambre mais aussi dans le département parce que soudain l’attention n’est plus sur la dame mais se retourne vers l’histoire du fils manquant.
La question qui se pose en premier au poste, dans les corridors, près de la chambre de la
dame, concerne le fils, est-il venu ou pas ? Une espèce d’énergie anxiogène autour de la
dame s’incruste, et elle commence de plus en plus à vivre de l’anxiété percevant cette
atmosphère lourde. La mort ne lui faisait pas peur, bien au contraire, mais quitter sans parler
à son fils serait un « Échec » elle qui souhaitait une ultime tentative de réconciliation.
À chaque jour, la dame espérait son fils, verbalisait ce besoin de le voir jusqu’au jour où,
épuisé, sombra dans l’inconscience. La dame passa quelques jours sous sédation entouré
de ses autres enfants qui disaient; « maman lâche prise va vers papa » (son mari décédé
dans la même année). Elle s’accrocha le plus longtemps possible dans l’espoir d’entendre la
voix de son fils égaré. Malheureusement elle décéda sans son fils, un rendez-vous manqué.
Une fin triste, le rendez-vous manqué par son fils pour une dernière rencontre, mais comment réagir et quoi penser de tout ceci ? Le jugement envers son garçon et les commentaires étaient fort déplacés. Avec du recul, je me suis posé la question ce qui pouvait pousser un enfant à ne pas venir voir sa mère sur son lit de mort ou comment une personne pouvait faire fit d’une demande d’un proche à la vieille de sa mort ? Est-ce un immense conflit, des problèmes de consommation, des troubles de maladie mental, un orgueil mal placé etc. Mon analyse est que l’autre côté de la médaille personne ne la connaît. L’histoire derrière cette absence je ne la connais pas, ce qui veut dire qu’on ne peut pas porter jugement.
Son fils comme tous ceux qui seront absent à ces rendez-vous ont leur raison. Alors qui sommes-nous pour les juger ?
Je me sers de cette histoire encore aujourd’hui pour prendre conscience de l’impact de nos jugements. Durant les soins de la dame, le jugement sur l’absence de son fils, a détourné l’attention et les soins de bienveillance. Les remarques entendues par la dame, se sont rendu à son cœur de mère et ont heurté celui-ci.
L’impact du jugement est souvent négligé et celui-ci nous fait voir la situation avec des
œillères comme ceux que les chevaux portent, une vision tunnel. Il est important de se
demander dans une situation donnée : « Est-ce que ce jugement est approprié ou
m’empêche-t-il d'offrir le meilleur de moi-même et le soutien possible à la personne en fin de vie ? »
Qu'en pensez-vous ?
Myriam Blais, étudiante en accompagnement fin de vie
pour L'École Isabelle Pitre Coaching Inc.
Comentarios