La peur de t'oublier

La révélation soudaine

Je me souviens du jour où j’ai compris que tu avais vieilli en une seule nuit, où j’ai réalisé que tu étais réellement malade. Moi, "l’enfant adulte" qui te croyais invincible. Toi, mon pilier, mon Papa.

Tout s’est enchaîné très vite : les rendez-vous à l’hôpital, les spécialistes, le diagnostic qui se faisait attendre. Moi, qui travaille dans ce domaine, je savais ce que cela voulait dire, mais je refusais de l’accepter, car tu étais mon Papa. Dans ma tête, rien ne pouvait t’arriver.

Puis tout a basculé. Il faut croire que personne n’est à l’abri.

Ironiquement, tu étais enfin soulagé : on avait mis un nom sur ta douleur. Quant à moi, je voyais venir la suite, le cœur brisé, mais je restais forte à tes côtés.

Les souvenirs qui s’effacent

Je ne me rappelle plus le son de ta voix. J’ai du mal à me souvenir de toi vraiment.

Pourtant, je m’étais promis de garder ton souvenir vivant. Tu m’avais rassurée : il est

normal qu’avec le temps, l’image corporelle et la voix s’effacent. Mais, jamais je ne

devais m’en vouloir parce que jamais je n’oublierai tout ce que nous avons traversé ensemble.

Des gestes quotidiens pour ne pas t’oublier

Je parle de toi chaque jour. Je raconte ta vie à ceux qui ne t’ont pas connu. Il m’arrive

même de m’adresser directement à toi. D'ailleurs, je garde précieusement ce bout de papier écrit de ta main dans mon portefeuille. Chaque fois que je le retrouve, je souris en me disant : « je suis une adulte, je devrais m’en défaire ! » Ma tête le sait, mais mon cœur refuse.

Les traces encore présentes

Ton numéro figure toujours dans mes contacts. Parfois, je me demande : "Qui répondrait

si j’appelais" ? Nous avions tout préparé pour ton départ. On en avait parlé. On avait tout planifié ensemble. Tu m’as aussi promis de continuer à veiller sur moi et je sens ta présence; Merci. Quand j’entends notre chanson, je souris les bons jours alors que d’autres fois, une larme coule malgré moi, même si je t’avais promis d’être forte.

Le retour du balancier

Parfois, les souvenirs de nos petits moments me manquent ; par exemple de t’appeler chaque matin pour te souhaiter une belle journée. Puis, t’entendre me répondre que, oui, elle le sera maintenant qu’on s'est parlé. Papa, tu m’as tenu dans tes bras dès mes premiers moments de vie et moi, j’ai tenu ta main jusqu’à ton dernier souffle.

Voilà le retour du balancier.

Anne Lili Archambault, Accompagnante fin de vie certifiée

Rédactrice pour L'école Isabelle Pitre Coaching Inc.