Le fauteuil de Marguerite

Marguerite avait 87 ans. Elle vivait dans une maison de retraite aux murs pâles, où les horloges semblaient ralentir le temps. Chaque matin, elle s’installait dans son fauteuil près de la fenêtre, un vieux modèle en velours prune, usé aux accoudoirs mais fidèle à ses souvenirs. Elle ne parlait plus beaucoup, sauf pour murmurer des bribes de poèmes ou le prénom de son mari disparu.

Les soignants passaient, pressés, bienveillants mais débordés. Jusqu’au jour où Élise, la dame de compagnie engagée par sa famille, s’arrête vraiment. Elle ne venait pas pour distribuer des médicaments ni pour remplir des formulaires. Elle venait pour écouter et prendre le temps.

Au lieu de demander à Marguerite comment elle allait, Élise lui demanda : — « Qu’est-ce que vous voyez par la fenêtre, aujourd’hui ? »

Marguerite cligna des yeux, surprise. Puis elle sourit. — « Un merle. Il revient chaque printemps. Mon mari disait qu’il chantait pour moi. »

Chaque mercredi lors de ses visites, Élise s’asseyait dans le fauteuil voisin. Elle apportait des images, des fleurs, parfois juste sa présence. Elle ne cherchait pas à stimuler, à corriger, à faire parler. Elle était là. Entièrement.

Un matin, Marguerite prit la main d’Élise et dit : — « Vous êtes comme mon merle. Vous me rappelez que je suis encore vivante. »

Marguerite est partie paisiblement quelques mois plus tard. Son fauteuil est resté vide, mais dans le cœur d’Élise, il est devenu un symbole : celui d’une bienveillance qui ne cherche pas à réparer, mais à honorer.

La bienveillance dans l’accompagnement des personnes âgées ne réside pas dans les grandes actions, mais dans les petites présences. Elle ne cherche pas à faire parler, mais à entendre. Elle ne veut pas guérir, mais accueillir.

Être là, vraiment là, c’est parfois tout ce dont une personne a besoin pour se sentir digne, aimée, et encore vivante.

Formation Dame de compagnie

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